Extrait de la Lettre encyclique du Saint-Père François
La conscience de
la gravité de la crise culturelle et écologique doit se traduire par de
nouvelles habitudes. Beaucoup savent que le progrès actuel, tout comme la
simple accumulation d’objets ou de plaisirs, ne suffit pas à donner un sens ni
de la joie au cœur humain, mais ils ne se sentent pas capables de renoncer à ce
que le marché leur offre. Dans les pays qui devraient réaliser les plus grands
changements d’habitudes de consommation, les jeunes ont une nouvelle
sensibilité écologique et un esprit généreux, et certains d’entre eux luttent
admirablement pour la défense de l’environnement ; mais ils ont grandi dans un
contexte de très grande consommation et de bien-être qui rend difficile le
développement d’autres habitudes. C’est pourquoi nous sommes devant un défi
éducatif.
L’éducation environnementale a progressivement
élargi le champ de ses objectifs. Si au commencement elle était très axée sur
l’information scientifique ainsi que sur la sensibilisation et la prévention
de risques environnementaux, à présent cette éducation tend à inclure une
critique des ‘‘mythes’’ de la modernité (individualisme, progrès indéfini,
concurrence, consumérisme, marché sans règles), fondés sur la raison
instrumentale ; elle tend également à s’étendre aux différents niveaux de
l’équilibre écologique : au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire
avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau
spirituel avec Dieu. L’éducation environnementale devrait nous disposer à faire
ce saut vers le Mystère, à partir duquel une éthique écologique acquiert son
sens le plus profond. Par ailleurs, des éducateurs sont capables de repenser
les itinéraires pédagogiques d’une éthique écologique, de manière à faire
grandir effectivement dans la solidarité, dans la responsabilité et dans la
protection fondée sur la compassion.
Cependant, cette éducation ayant pour vocation de
créer une “citoyenneté écologique” se limite parfois à informer, et ne réussit
pas à développer des habitudes. L’existence de lois et de normes n’est pas
suffisante à long terme pour limiter les mauvais comportements, même si un
contrôle effectif existe. Pour que la norme juridique produise des effets
importants et durables, il est nécessaire que la plupart des membres de la
société l’aient acceptée grâce à des motivations appropriées, et réagissent à
partir d’un changement personnel. C’est seulement en cultivant de solides
vertus que le don de soi dans un engagement écologique est possible. Si une
personne a l’habitude de se couvrir un peu au lieu d’allumer le chauffage,
alors que sa situation économique lui permettrait de consommer et de dépenser
plus, cela suppose qu’elle a intégré des convictions et des sentiments favorables
à la préservation de l’environnement. Accomplir le devoir de sauvegarder la
création par de petites actions quotidiennes est très noble, et il est
merveilleux que l’éducation soit capable de les susciter jusqu’à en faire un
style de vie. L’éducation à la responsabilité environnementale peut encourager
divers comportements qui ont une incidence directe et importante sur la
préservation de l’environnement tels que : éviter l’usage de matière plastique
et de papier, réduire la consommation d’eau, trier les déchets, cuisiner
seulement ce que l’on pourra raisonnablement manger, traiter avec attention les
autres êtres vivants, utiliser les transports publics ou partager le même
véhicule entre plusieurs personnes, planter des arbres, éteindre les lumières
inutiles. Tout cela fait partie d’une créativité généreuse et digne, qui
révèle le meilleur de l’être humain. Le fait de réutiliser quelque chose au
lieu de le jeter rapidement, parce qu’on est animé par de profondes
motivations, peut être un acte d’amour exprimant notre dignité.
Il ne faut pas penser que ces efforts ne vont pas changer le monde. Ces actions répandent dans la société un bien qui produit toujours des fruits au-delà de ce que l’on peut constater, parce qu’elles suscitent sur cette terre un bien qui tend à se répandre toujours, parfois de façon invisible. En outre, le développement de ces comportements nous redonne le sentiment de notre propre dignité, il nous porte à une plus grande profondeur de vie, il nous permet de faire l’expérience du fait qu’il vaut la peine de passer en ce monde.
Les milieux éducatifs sont divers : l’école, la
famille, les moyens de communication, la catéchèse et autres. Une bonne
éducation scolaire, dès le plus jeune âge, sème des graines qui peuvent
produire des effets tout au long d’une vie. Mais je veux souligner
l’importance centrale de la famille, parce qu’« elle est le lieu où la vie, don
de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses
attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer
suivant les exigences d’une croissance humaine authentique. Contre ce qu’on
appelle la culture de la mort, la famille constitue le lieu de la culture de la
vie ».149 Dans la famille,
on cultive les premiers réflexes d’amour et de préservation de la vie, comme
par exemple l’utilisation correcte des choses, l’ordre et la propreté, le
respect pour l’écosystème local et la protection de tous les êtres créés. La
famille est le lieu de la formation intégrale, où se déroulent les différents
aspects, intimement reliés entre eux, de la maturation personnelle. Dans la
famille, on apprend à demander une permission avec respect, à dire ‘‘merci’’
comme expression d’une juste évaluation des choses qu’on reçoit, à dominer
l’agressivité ou la voracité, et à demander pardon quand on cause un dommage.
Ces petits gestes de sincère courtoisie aident à construire une culture de la
vie partagée et du respect pour ce qui nous entoure.
Un effort de sensibilisation
de la population incombe à la politique et aux diverses associations. À
l’Église également. Toutes les communautés chrétiennes ont un rôle important à
jouer dans cette éducation. J’espère aussi que dans nos séminaires et maisons
religieuses de formation, on éduque à une austérité responsable, à la contemplation
reconnaissante du monde, à la protection de la fragilité des pauvres et de
l’environnement. Étant donné l’importance de ce qui est en jeu, de même que des
institutions dotées de pouvoir sont nécessaires pour sanctionner les attaques
à l’environnement, nous avons aussi besoin de nous contrôler et de nous
éduquer les uns les autres.
Dans ce contexte, « il ne faut pas négliger la relation qui
existe entre une formation esthétique appropriée et la préservation de
l’environnement ».150
Prêter
attention à la beauté, et l’aimer, nous aide à sortir du pragmatisme
utilitariste. Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour
évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet
d’usage et d’abus sans scrupule. En même temps, si l’on veut obtenir des
changements profonds, il faut garder présent à l’esprit que les paradigmes de
la pensée
influent réellement sur les comportements.
L’éducation sera
inefficace, et ses efforts seront vains, si elle n’essaie pas aussi de répandre
un nouveau paradigme concernant l’être humain, la vie, la société et la
relation avec la nature. Autrement, le paradigme consumériste, transmis par les
moyens de communication sociale et les engrenages efficaces du marché,
continuera de progresser.
Auteur : Pape François.
Cela nous ramène à ce que chacun peut faire au quotidien et c'est aussi un moyen très actif et joyeux de participer...
RépondreSupprimerOui Ariane, je suis d'accord avec cela... Le moindre de nos gestes et de nos pensées ne devraient plus être anodin... les accomplir avec de la bonne humeur et la passion d'être en vie... Saisir tout cet espace quotidien avec cette philosophie, c'est du "concentré de force" assuré pour faciliter les passages des moments plus difficiles. Merci.
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