Une autre économie est possible, plus juste, plus équitable, et plus respectueuse du monde. Une économie globale, pensée en écosystèmes. Développée depuis les débuts des années 1970, les thèses de l’économie écologique reconnaissent le rôle primordial de l’environnement naturel sur les activités humaines.
Nous vivons dans un monde plein. Plein d’êtres humains et plein d’objets. Et dans un monde fini, borné par les frontières physiques, minérales, végétales et animales, de notre planète. C’est une situation nouvelle et sans précédent, marquée par l’instabilité et la dégradation de nos conditions de vie, avec es risques de rupture et d’effondrement réel de nos sociétés. Deux rapports de 2012 soulignent ces réalités, l’un provient des Nations unies et l’autre du Club de Rome-Chapitre européen.
Leurs analyses éclairantes
pointes les limites du système économique actuel et les changements à mettre en
œuvre. Car il est possible de faire autrement. C’est l’approche de « l’économie
écologique », un vaste projet de refonte de nos modèles économiques au
service du bien-être humain durable.
Le renversement de
perspective est d’abord fondamental. Il s’agit de remettre l’économie à sa
juste place. « L’économie écologique considère l’économie comme un
sous-système intégré des cultures et des sociétés, elles-mêmes imbriquées dans
la géobiosphère », expliquent les auteurs de Vivement 2050 ! Programme pour une économie soutenable et
désirable, un ouvrage publié par les Nations unies en 2012. L’économie
écologique dépend de l’infrastructure sociale tandis que les sociétés humaines
reposent sur la présence d’écosystèmes durables. Bref, sans environnement, pas
de civilisation humaine, donc pas d’économie.
Second chapitre : la
reconnaissance du capital naturel, et la redistribution du capital qu’elle
induit. C’est l’un des apports théoriques majeurs de l’économie écologique. « Ce
changement d’orientation implique de prendre en compte la protection de la
nature, la restauration des écosystèmes, l’équité sociale et
intergénérationnelle (notamment l’éradication de la pauvreté), la stabilisation
de la population, mais aussi l’ensemble des contributions non-marchandes
générées par le capital naturel et le capital social », poursuivent les
signataires de Vivement 2050 !
Avec cette vision, continuer
à considérer l’économie comme un objet déconnecté du monde, en particulier du
vivant, devient un non-sens. Une impasse où, à terme, « l’économie risque
de scier la branche sur laquelle elle est assise ».
Écosystème
contre réductionnisme
Ce qui semble une évidence
aujourd’hui reste pourtant ignoré de la pensée économique dominante. Selon les
croyances de l’orthodoxie économique en vigueur, appelons-là économie classique
ou traditionnelle, le champ économique est perçu comme une dimension autonome,
étrangère et distincte de son environnement. Dans l’économie classique, en
effet, tout ce qui ne peut être aisément quantifié, modélisé ou comptabilisé se
trouve délibérément exclu, expulsé hors du cadre théorique, rassemblé sous la
dénomination commode et fourre-tout des « externalités ». La nature
ainsi a longtemps été pensée comme une ressource gratuite, « dans la
mesure où son acquisition ne passe pas par une acquisition monétaire », rappellent
les auteurs u rapport du Club de Rome-Chapitre Européen, Pour un système monétaire durable.
La vision es choses de l’économie
traditionnelle imprègne encore l’enseignement et les médias. Fondamentalement
réductionniste, ce paradigme dominant a même été qualifié d’autisme-économie,
en 2000, à la Sorbonne, par un courant d’universitaires excédés. La déclaration
de l’université de Cambridge, qui prolongea n’année suivante ce mouvement
critique, a été signée par 797 docteurs en économie.
Le développement durable,
brandit depuis une quinzaine d’années, constitue un premier pas pour sortir des
raisonnements biaisés des l’économie classique. Formulé à la suite du fameux
rapport Bruntland, en 1987, le développement durable restaure, à côté de l’économie,
les dimensions de l’environnement et du social. Le progrès est net et réel.
Mais en continuant de mettre ces trois éléments sur un même plan, l’économie
est encore perçue comme une sphère à part entière et largement autonome.
Valoriser
le capital naturel ?
C’est dans la revue Nature,
le 15 mai 1997, que Robert Costanza livre une première estimation de la valeur
des services rendus par la nature. Cette étude a fait date car le total, bien
qu’approximatif, est impressionnant. Il avoisinait alors les 33 000 milliards
de dollars par an, soit 25 000 milliards d’euros. Un minimum. Autrement
dit, les bénéfices du capital naturel pesaient près du double de l’activité
économique mondiale, fixée cette année-là à 18 000 milliards de dollars.
Divisons ce montant par 7
milliards d’êtres humains… Les
écosystèmes de notre environnement « offrent » près de 3200 euros par
personne et par an de « prestations de biens et de services » de
services vitaux, c’est-à-dire essentiels à notre survie. Qu’il s’agisse de la
régulation de l’air et du climat, de la dépollution et du maintient de la
qualité de l’air, des sols et de l’eau, de l’approvisionnement en nourriture,
du contrôle de l’érosion, de la prévention des crues et des avalanches, de l’habitat
des autres espèces, de la pollinisation, du recyclage des débris organiques, de
la production de matières premières, de combustibles, de sports et de loisirs
de plein air…
La valorisation économique
des services rendus par la nature, parfois nommée bioéconomie, constitue l’un
des piliers fondateurs de l’économie écologique. Un autre axe de recherche porte
sur la révision des indicateurs économiques et des critères employés pour les
calculer. Afin de les rendre plus justes, moins autistes pourrait-on dire, dans
la prise en compte des dimensions non-marchandes du monde et du bien-être de l’être
humain. Ces indicateurs sont le fameux bonheur intérieur brut (BIB), notamment
expérimenté par le Bhoutan, l’indice de développement humain (IDH) proposé par
les Nations unies, mais aussi l’indice de bien-être durable (IBED) et l’indicateur
de progrès véritable (IPV), qui inclut dans son calcul les activités
non-marchandes, comme le travail domestique et les activités bénévoles et, à l’inverse,
retranche les richesses perdues et les dégâts sociaux (accidents, maladies,
délinquances, etc.)
Parmi les flux de matières,
d’énergies et d’informations pris en compte par l’économie écologique, l’analyse
de l’écosystème « monnaie » occupe également un rôle majeur.
Auteur : Maxence Layet, directeur de la revue Orbs, l'autre planète.
Une orientation nouvelle à prendre !
RépondreSupprimerMettre en avant la valorisation économique des services rendus par la nature.