Extrait de la Lettre encyclique du Saint-Père François
La grande richesse de la
spiritualité chrétienne, générée par vingt siècles d’expériences personnelles
et communautaires, offre une belle contribution à la tentative de renouveler
l’humanité. Je veux proposer aux chrétiens quelques lignes d’une spiritualité
écologique qui trouvent leur origine dans des convictions de notre foi, car ce
que nous enseigne l’Évangile a des conséquences sur notre façon de penser, de
sentir et de vivre. Il ne s’agit pas de parler tant d’idées, mais surtout de
motivations qui naissent de la spiritualité pour alimenter la passion de la
préservation du monde. Il ne sera pas possible, en effet, de s’engager dans de
grandes choses seulement avec des doctrines, sans une mystique qui nous anime,
sans « les mobiles intérieurs qui poussent, motivent, encouragent et donnent
sens à l’action personnelle et communautaire ».151 Nous devons reconnaître que,
nous les chrétiens, nous n’avons pas toujours recueilli et développé les
richesses que Dieu a données à l’Église, où la spiritualité n’est déconnectée
ni de notre propre corps, ni de la nature, ni des réalités de ce monde ; la
spiritualité se vit plutôt avec celles-ci et en elles, en communion avec tout
ce qui nous entoure.
S’il est vrai que « les déserts
extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs
sont devenus très grands », la crise écologique est un appel à une profonde
conversion intérieure. Mais nous devons aussi reconnaître que certains
chrétiens, engagés et qui prient, ont l’habitude de se moquer des
préoccupations pour l’environnement, avec l’excuse du réalisme et du
pragmatisme. D’autres sont passifs, ils ne se décident pas à changer leurs
habitudes et ils deviennent incohérents. Ils ont donc besoin d’une conversion
écologique, qui implique de laisser jaillir toutes les conséquences de leur
rencontre avec Jésus-Christ sur les relations avec le monde qui les entoure.
Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle
d’une existence vertueuse ; cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un
aspect secondaire dans l’expérience chrétienne.
Pour proposer une relation saine
avec la création comme dimension de la conversion intégrale de la personne,
souvenons-nous du modèle de saint François d’Assise. Cela implique aussi de
reconnaître ses propres erreurs, péchés, vices ou négligences, et de se
repentir de tout cœur, de changer intérieurement. Les Évêques australiens ont
su exprimer la conversion en termes de réconciliation avec la création : « Pour
réaliser cette réconciliation, nous devons examiner nos vies et reconnaître de
quelle façon nous offensons la création de Dieu par nos actions et notre
incapacité d’agir. Nous devons faire l’expérience d’une conversion, d’un
changement du cœur ».
Cependant, il ne suffit pas que
chacun s’amende pour dénouer une situation aussi complexe que celle qu’affronte
le monde actuel. Les individus isolés peuvent perdre leur capacité, ainsi que
leur liberté pour surmonter la logique de la raison instrumentale, et finir par
être à la merci d’un consumérisme sans éthique et sans dimension sociale ni environnementale.
On répond aux problèmes sociaux par des réseaux communautaires, non par la
simple somme de biens individuels : « Les exigences de cette œuvre seront si
immenses que les possibilités de l’initiative individuelle et la coopération
d’hommes formés selon les principes individualistes ne pourront y répondre.
Seule une autre attitude provoquera l’union des forces et l’unité de
réalisation nécessaires ». La conversion écologique requise pour créer un
dynamisme de changement durable est aussi une conversion communautaire.
Cette conversion suppose diverses
attitudes qui se conjuguent pour promouvoir une protection généreuse et pleine
de tendresse. En premier lieu, elle implique gratitude et gratuité,
c’est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l’amour du Père, ce
qui a pour conséquence des attitudes gratuites de renoncement et des attitudes
généreuses même si personne ne les voit ou ne les reconnaît : « Que ta main
gauche ignore ce que fait ta main droite […] et ton Père qui voit dans le secret,
te le rendra ». Cette conversion implique aussi la conscience amoureuse de ne
pas être déconnecté des autres créatures, de former avec les autres êtres de
l’univers une belle communion universelle. Pour le croyant, le monde ne se
contemple pas de l’extérieur mais de l’intérieur, en reconnaissant les liens
par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres. En outre, en faisant croître
les capacités spécifiques que Dieu lui a données, la conversion écologique
conduit le croyant à développer sa créativité et son enthousiasme, pour
affronter les drames du monde en s’offrant à Dieu « comme un sacrifice vivant,
saint et agréable ». Il ne comprend pas sa supériorité comme motif de gloire
personnelle ou de domination irresponsable, mais comme une capacité différente,
lui imposant à son tour une grave responsabilité qui naît de sa foi.
Diverses convictions de notre foi
développées au début de cette Encyclique, aident à enrichir le sens de cette
conversion, comme la conscience que chaque créature reflète quelque chose de
Dieu et a un message à nous enseigner ; ou encore l’assurance que le Christ a
assumé en lui-même ce monde matériel et qu’à présent, ressuscité, il habite au
fond de chaque être, en l’entourant de son affection comme en le pénétrant de
sa lumière ; et aussi la conviction que Dieu a créé le monde en y inscrivant un
ordre et un dynamisme que l’être humain n’a pas le droit d’ignorer. Quand on
lit dans l’Évangile que Jésus parle des oiseaux, et dit qu’ « aucun d’eux n’est
oublié au regard de Dieu » (Lc 12, 6) : pourra-t-on encore les maltraiter ou
leur faire du mal ? J’invite tous les chrétiens à expliciter cette dimension de
leur conversion, en permettant que la force et la lumière de la grâce reçue
s’étendent aussi à leur relation avec les autres créatures ainsi qu’avec le
monde qui les entoure, et suscitent cette fraternité sublime avec toute la
création, que saint François d’Assise a vécue d’une manière si lumineuse.
Auteur : Pape François.
D'où l'excellente idée d'avoir créé des îlots de conscience (vu sur le site de Hans Insula Universalis : "Relayer le mouvement" puis "Créer un comité de conscience"...). Par l'engagement total, sincère et actif de chacun en faveur d'une autre personne au moins, il sera peut-être possible comme il est dit ici "qu'aucune personne ne soit oubliée (tels les oiseaux) pour espérer vivre de cette manière si lumineuse". N'oublions pas que ce monde devient surpeuplé et c'est aussi une notion qui fait que beaucoup ne trouvent plus leur place. Hans donne une possible place honorable à chacun, c'est toute la différence... Le discours écologique se doit donner tout son sens à la question qui est "Etre véritablement humain, c'est quoi au juste, au milieu de tout "ça" (notre environnement) ?".
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